La musique de la salle s'échappait, et on l'entendait également du pont. Quelques éclats de rires et de voix parvenaient jusqu'au poste de commandement dont Jim avait ouvert la porte. Il avait toujours voulu être à la tête d'un bateau, diriger un équipage et affronter les grands océans. Les embruns étaient sa drogue, avec le tangage du navire. Ah, ça, on pouvait le dire : il avait le pied marin ! Le vieux capitaine à la peau salée n'aimait la terre que par escales et ne se sentait bien, finalement, que sur l'eau.

(à suivre...)

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    Sur le pont, Judith et Julien étaient toujours en pleine contemplation du noir horizon. Jim, à son poste, se disait qu'il devrait bientôt descendre dans la salle pour faire le discours de fin de croisière qu'il redoutait tant. Et une grande partie des voyageurs était tout à son amusement dans la plus belle salle, probablement, du navire. Un bruit sembla soudain arriver, très fin, très loin. Un bruit sans lumière. Mais ni Jim, ni le couple, ne parvint à voir quoi que ce soit.

(à suivre...)

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    Dans le même temps, sur l'un des fauteuils de la salle de danse, un petit garçon était assis, presque assoupi. Yanis avait dix ans. Il avait d'abord bien profité de sa croisière, ensuite bien mangé ce soir, et là, depuis quelques heures maintenant, il regardait les gens danser. Il cherchait parmi toutes les femmes, celle qui danserait le mieux et le plus longtemps. Il la demanderait en mariage, et ils descendraient du bateau bras dessus bras dessous à la fin de la croisière, demain. Alors c'est lui que tout le monde regarderait. Ce serait lui le plus beau et le plus noble. Tout le monde, finalement, ferait bien plus que le regarder : tout le monde l'admirerait ! Mais, déjà, Morphée venait un peu troubler sa vue. Peut-être aurait-il du mal à choisir...

(à suivre...)

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    Mark et Sylvia dansaient. Ils s'abandonnaient à la joie générée par la musique, la joie d'avoir une amitié sincère, qui aurait dû être plus d'ailleurs. Mais Sylvia voulait rester fidèle. Elle faisait tous les efforts du monde pour ne pas se jeter sur Mark, qui la comprenait si bien, qui était si attentionné, et... si beau. Mais elle tenait à sa morale, à se regarder en face, à sa réputation aussi. Elle s'amusait, donc, et ne faisait rien de mal. Pourtant, la petite flamme de l'amour avait bel et bien été allumée dans son cœur, et s'apercevait, si l'on était très attentif, dans ses petits yeux.

(à suivre...)

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    D'un coup Judith se souvint d'un après-midi où ils étaient venus admirer la mer, sur ce même pont, au même endroit, exactement. On était dans la première partie de la croisière. Les nuages s'étaient rassemblés et la pluie avait menacé d'abord. Ils avaient péroré sur la puissance de la nature. Et effectivement, la pluie était venue leur inonder le visage. Judith était restée blottie au creux des bras de Julien, qui tentait de faire de son corps un rempart de protection, comme une carapace sur le dos de Judith. Rempart quelque peu inutile, ils étaient ressortis de l'averse trempés de la tête aux pieds, tous les deux. Mais ils souriaient et étaient heureux. Et ce soir-là aussi, ils étaient heureux.

(à suivre...)

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    Julien avait mis son bras autour des épaules de Judith, et ils regardaient tous deux le large, noir et profond, quand John et Marlane passèrent discrètement derrière eux pour rejoindre les cabines. Ils ne s'aperçurent de rien tellement ils étaient plongés dans le lointain. Pourtant, ils ne parlaient même plus à ce moment précis. Le temps semblait bloqué par un rocher qui l'empêcherait d'avancer. Sans doute auraient-ils aimé que ce soit définitif. Ils auraient jeté l'ancre ici, au milieu de la nuit, et auraient terminé leurs vies à contempler la mer.

(à suivre...)

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    John se releva, passa son bras sous celui de Marlane pour la soutenir, et ils s'éclipsèrent en claudiquant, laissant tous les passagers à la fête. Sylvia, toujours inquiète, s'était retournée pour voir si Marlane allait mieux, mais elle ne la retrouva pas sur la chaise qu'elle occupait précédemment. Elle demanda à Mark s'il l'avait vue, et il fit un petit signe de la tête. Quand elle orienta son regard vers la sortie, elle eut juste le temps d'apercevoir le dos de John et un petit bout de la robe de Marlane.

    "Ne t'inquiète pas trop pour eux." glissa gentiment Mark.

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    John et Marlane dansaient. Mark et Sylvia dansaient. Et tout à coup, le talon de Sylvia s'enfonça dans le pied de Marlane et lui créa une douleur insupportable. Malgré tout, après les excuses de rigueur, les quatre passagers de la croisière partirent dans un grand éclat de rire. Pour soulager sa douleur, John accompagna Marlane au bord de la piste, la fit asseoir sur une chaise et commença à lui masser le pied, à genoux devant elle. Elle rougit telle une collégienne. Mark et Sylvia les avaient suivis pour voir comment allait Marlane, mais cette dernière, en souriant, les renvoya danser, disant que tout allait bien, que sa douleur allait passer d'ici peu. Tout le monde la regardait ! Elle finit par se pencher sous prétexte d'examiner son pied, et elle glissa quelque chose à l'oreille de John si discrètement que personne ne vit qu'elle lui avait parlé.

(à suivre...)

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    Dans la grande salle de réception, John et Marlane s'étaient rapprochés et dansaient ensemble infatigablement. Pour un peu, on les aurait pris pour deux amants. Et pourtant, non, ils n'en étaient encore qu'à se chercher, n'ayant voulu rien précipiter, ni les actes, ni les sentiments.

    A côté d'eux, bien d'autres personnes s'amusaient également. Pour ce dernier soir, l'ambiance était irréelle, l'euphorie palpable. Et c'était exactement la réflexion que Julien était en train de se faire, quand il eut l'idée d'emmener Judith faire un tour sur le pont supérieur.

(à suivre...)

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    Jim revint sur terre. Il scruta encore une fois très attentivement l'horizon noir qui s'étalait devant lui, à perte de vue. Il fallait qu'il observât avec la plus grande attention, au cas où quelque chose serait là, qui aurait échappé aux radars. Il refusait d'être responsable d'un désastre. En conséquence, il avait toujours peur qu'un grain de sable vînt enrayer les rouages si bien huilés de ses voyages. Il voulait ramener le bateau à bon port et sans le moindre accroc, autant que faire se pouvait. Et s'il trouvait quelque embarcation en détresse, il serait le premier à se porter au secours des malheureux. La mer, c'était la solidarité. Question d'éthique...

(à suivre...)

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