Sybille, dans l'attente des résultats, se laisse souvent sombrer dans une mélancolie rageuse et pessimiste. Elle en a résolument marre de ces incertitudes à répétitions, entrecoupées de fausses joies, et de rechutes interminables. Ce cancer qui lui ronge le rein, elle aurait voulu pouvoir lui loger une balle entre les deux yeux, une explosive, de balle ; qui l'atomiserait en tellement de particules qu'il retomberait sur terre en poussière d'étoile, et l'on n'en parlerait plus. Seulement, voilà, il était capable de se faire oublier un moment, puis il resurgissait sous une forme ou sous une autre, en déclenchant une crise, au moment où l'on croyait l'avoir vaincu. Ah ! Quelle injustice que cette saloperie !

  Dans ces moments-là, Sybille aurait aimé parvenir à supporter Benjamin, mais c'était impossible. Il était sans doute trop maladroit, pas assez attentionné, ou tout simplement trop vivant. Elle le congédiait sans ménagement, ce qu'elle regrettait presque à l'instant où il fermait la porte. Et puis elle pensait à l'avenir... Quel avenir ?

à suivre...

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  L'ombre discrète est tapie dans l'esprit de Sybille et n'attend que le bon moment pour l'envahir tout à fait. Elle invite régulièrement Alexandre et Nina, ils font de nombreuses sorties ensemble. Jamais elle n'emmène Benjamin. Parfois, Nina le lui propose pourtant, mais Sybille refuse, toujours. Nina se dit qu'elle veut garder son jardin secret, ou alors qu'elle n'est vraiment pas sûre d'elle. Malgré tout, Nina a bien constaté que Sybille ne parvenait pas à se décrocher de Benjamin.

   Par moments, Nina sent qu'elles ont besoin de se retrouver entre filles. Elle explique cela à Alexandre, qui lui aussi voit certains de ses amis, seul dans ce cas Tout le monde y gagne. Pas de carcan. Pas de contrainte. Et la légère excitation de se revoir créée par le manque reparaît, à chaque fois. Nina pendant ce temps distrait du mieux qu'elle le peut son amie Sybille, et Sybille note tous les détails de la relation de Nina avec Alexandre.

  Ce jour-là, quand Nina rejoint Sybille, cette dernière sort de chez le médecin : "Il faut que je fasse d'autres tests, encore..."

à suivre...

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  Il faut qu'elle le présente à Sybille. C'est obligé. Alexandre est quelqu'un qui compte et qui comptera pour Nina. Elle en est persuadée. Ses sentiments et ses sensations ne peuvent la trahir. Elle emmène Alexandre avec elle, un soir où elle se rend chez Sybille.

  Apéritif, dîner, tout se passe à merveille, on rit, on rit ! Sybille observe Nina, rayonnante. Elle voit combien Alexandre est attentionné à son égard. Physiquement, il est pas mal aussi. Ils vont bien ensemble avec Nina, ils sont beaux.

  Quand Sybille referme la porte sur le couple après cette belle soirée, elle est ravie pour Nina, et le petit goût salé de sa solitude lui fait prendre son téléphone pour appeler Benjamin. Elle compose le numéro puis raccroche aussitôt. Elle ne va pas l'appeler à cette heure-là... Oh ! Et puis si. Elle recompose le numéro.

à suivre...

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  Pas une seule fois, pendant cette semaine-là, il ne rompt leur accord. Il respecte scrupuleusement l'attente, prouvant par là-même à Nina qu'il ne souhaite pas non plus brusquer les choses. Elle admire, et regrette à la fois. Elle aurait aimé qu'il brave l'interdit, pourtant elle sait bien que cela ne donne rien de bon, quand on se précipite et qu'on brûle la chandelle par les deux bouts. Elle en a assez fait l'expérience !

   Le jour dit arrive enfin, avec ce dîner délicieux : en plus, il sait choisir les restaurants ! Nina est déjà conquise. Elle laisse malgré tout Alexandre mener la barque qui les emmène, ensemble, vers une destination totalement inconnue. Il ne s'est encore rien passé de concret entre eux, mais Nina est parfaitement consciente de la différence de cette relation avec celles qu'elle a connues auparavant. Il la dépose devant chez elle, l'embrasse sur la joue, un peu plus près des lèvres que la dernière fois, peut-être, mais ne va pas plus loin. Nina inspire son parfum, comme pour ne jamais l'oublier, rouvre les yeux et rentre chez elle en lui adressant un signe de la main.

à suivre...

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  Nina avait tout raconté dans les moindres détails à son amie Sybille. Cette dernière n'en revenait pas que ce garçon ait eu l'audace de venir jusque sur le lieu de travail de Nina. Elle entreprit donc une analyse de la situation, faisant voir à Nina d'un côté ce que cet acte avait de courageux et d'attentionné, et d'un autre combien Nina devait se méfier. Pourvu que Nina ne soit pas tombée sur un harceleur, quelqu'un de si possessif qu'il considérerait toujours Nina comme son bien, et qui ne supporterait aucune séparation !

   Mais Nina y avait pensé, pour une fois. Et elle avait décidé de ne rien précipiter avec Alexandre. Alexandre ! Est-ce qu'on pouvait être mauvais, quand on portait un prénom pareil ? Nina avait tout de même refusé de le revoir dès le lendemain de leur rencontre, elle avait décliné l'invitation de façon polie, en expliquant qu'elle avait des choses de prévues et des gens à voir dans les prochains jours. Il devrait attendre presque une semaine.

à suivre...

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   Il est planté devant la Harley, Nina n'aurait pas pu le rater.

   "Je ne vous demande pas comment vous avez su où me trouver.

- Cela vous gêne ?"" demande-t-il légèrement inquiet. Elle réfléchit quelques instants sans le quitter des yeux, avant de lui répondre : "On va dire que non."

   Une brève conversation s'amorce, des présentations sont faites, il l'invite à prendre un verre, il veut faire connaissance avec Nina.

  Elle, de son côté, lui trouve un charme fou dans le regard. Elle voudrait se méfier, comme elle se l'est promis dorénavant, mais elle sent bien qu'elle a envie de succomber. Elle boit les paroles du jeune homme. Ils se promettent de se revoir et Nina rentre chez elle emportée, envahie, envolée. Ce sont les milliers d'ailes de ses sentiments agréables qui palpitent pour accompagner son endormissement. Elle est comme au pays des fées et justement, elle a du mal à s'endormir ; exactement comme si elle avait peur que la nuit efface toute la réalité de cette rencontre heureuse.

   Bientôt tout de même, c'est le marchand de sable qui finit par emporter la partie.

à suivre...

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  Nina n'avait rien perçu du trouble de Sybille. Cette dernière, quant à elle, avait du mal à assumer ses sentiments, et autant de mal d'ailleurs à les chasser de son esprit. Sa concentration fut torturée toute la journée.

   Nina retourna au travail, puisque les pauses n'ont pas vocation à être éternelles ; elle y passa une journée parfaitement banale, entièrement centrée sur sa tâche. Elle avait prévu de passer voir Sybille en sortant, le soir. Et puis, si Sybille était en forme, elle lui proposerait un spectacle. Elles devraient passer une excellente soirée toutes les deux. Et si Sybille refusait, elles pourraient toujours aller au cinéma, elles trouveraient bien un film à leur goût. Avec toutes ces réflexions, l'heure de quitter le travail était arrivée.

   Nina rassemble ses affaires, enfile son blouson et attrape son sac. Elle se dirige vers la sortie, comme d'habitude, dit au revoir à ses collègues, l'un d'eux répond par un clin d'œil ; tiens donc ? Elle sort, oriente ses pas vers sa moto, et s'arrête net dès qu'elle l'a vu. Qui ? Mais, lui, l'homme de l'autre soir, celui du bar.

à suivre...

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   Nina avait passé une bonne journée dans ce bar de la veille, et après une grasse mat bien méritée, elle avait opté pour un petit tour par la piscine. Pour se détendre, il n'y avait pas mieux. Elle nagea en se concentrant sur sa respiration, sa musculature, son effort. Mais chaque fois qu'elle faisait une pause, elle revoyait un instant le regard de ce garçon, monodirectionnel, obsessionnel. Et elle souriait.

   Coup de fil de Sybille en fin d'après-midi. Nina raconte. Elles rient, raccrochent. Mélancolie dans le cœur de Sybille en repensant à sa rencontre avec Benjamin ; à celles d'avant aussi. Elle se souvient du bonheur ressenti de voir naître en soi-même un peu d'estime venue d'un regard extérieur intéressé par l'enveloppe. Elle s'avance devant son miroir. Une ombre apparaît. Une tache sombre, qui grandit, qui noircit et efface son visage. Non, mieux, l'éteint. Sybille revient près de sa fenêtre, puis choisit un programme sur sa télévision. C'est nul. Elle éteint le poste, se lave les dents sans conviction, et finit par se recroqueviller dans son lit. Demain, il fera jour.

à suivre...

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   A chaque fois que Nina relevait les yeux, elle se trouvait arrêtée par le regard d'un des deux garçons près de la porte, fiché en permanence dans sa direction. On aurait dit une sentinelle, en plus aimable tout de même. Cela dit, il n'avait pas la discrétion d'un garde du corps, qui, l'air de rien, paraît toujours regarder ailleurs, tout en surveillant avec obstination, opiniâtreté, avec même une acuité d'aigle, la proie qu'il a sous sa protection.

   Nina finit par expliquer la situation à son amie, et elle ne la quitta plus du regard, un peu gênée qu'elle était de se sentir observée ainsi, comme s'ils étaient encore des collégiens. Son amie riait beaucoup, du coup. Elle ne pouvait pas voir la scène puisqu'elle tournait le dos aux garçons. En revanche, le hasard avait fatitque tous les deux n'avaient qu'à tourner légèrement la tête pour voir les filles, enfin, Nina et le dos de son amie. Ils avaient pris les bonnes chaises en entrant, voilà tout ! Question de karma.

   Au bout d'une heure et demie, la tablée du collègue de Nina leva le camp, mais les deux garçons près de la porte ne se contentèrent pas d'un simple salut. Une petite conversation s'engagea avec le collègue, qui se retourna une nouvelle fois vers Nina, alors qu'il venait de lui dire au revoir, et Nina ne sut plus où se mettre. Enfin le collègue s'en alla. Les filles, finalement, décidèrent de se retrouver chez Nina pour terminer la soirée. Elles eurent droit à un grand "Bonsoir !" accompagné de larges sourires et d'une expression qui semblait signifier : "Vous partez déjà ?" 

à suivre...

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   Nina n'était pas rentrée directement ce soir-là. Elle avait décidé d'aller prendre un verre avec une autre de ses amies, qu'elle voyait moins souvent que Sybille. Elle ne travaillait pas le lendemain et son amie sortait tard de sa répétition de théâtre. Elles se rejoignirent dans un bar du centre. Nina arriva la première, en moto, ce qui attira l'attention d'autres clients du bar. Son amie fut sur les lieux quelques minutes à peine après elle, et elles s'installèrent à une table, commandèrent leurs consommations et commencèrent une conversation entrecoupée d'éclats de rire.

   Soudain, des garçons entrèrent et choisirent la table juste à côté de celle des filles, après avoir salué deux autres garçons près de la porte d'entrée, qui n'arrêtaient pas de regarder Nina depuis qu'elle avait garé son bolide devant le bar. Parmi le groupe, Nina reconnut un de ses collègues. Il lui parla deux minutes, pour échanger quelques banalités d'usage, avant de prendre place auprès de ses copains.

à suivre...

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