Amour
(section des poèmes anciens)
Amour tu dois semer le doute
Partout où tu vas sur ta route
Puisque si tu es découvert
Tu descends tout droit en enfer
Tu plonges dans les eaux du Styx
Et tu t'effaces peu à peu.
Amour tu dois rester secret
Tu dois sans arrêt te cacher
Pour ne pas risquer de mourir.
On doit juste pouvoir te lire
Sur une bouche ou un sourire
Au fond des yeux, au coin des lèvres
Sur des mots prononcés, un rêve
Des mots prononcés au hasard,
Laissés échapper dans le noir
Sous le soleil ou dans le soir
Au profit de l'intimité.
Amour tu n'es que paradoxe.
Si tu ne peux pas te montrer
On doit pourtant te deviner,
Sans autant pouvoir être sûr
Que tu es vraiment le plus pur
Le plus profond, le plus réel,
Véritable et non pas virtuel,
Douter de ta réalité
Pour continuer à aimer
Pour assurer ton avenir
Amour, tu nous fais bien souffrir.
Tu parl' en langage codé,
C'est ainsi ta spécialité.
Un geste un signe ou une image
Gravée dans un esprit bien sage
Sont alors autant de messages
Qu'ils peuvent être de mirages.
Il faut pourtant garder courage
Et savoir contenir sa rage.
L'amour nous élève aux nuages
Et nous ferait écrir' des pages
S'il nous laissait un peu de temps
Entre les doutes et les chants
Les beaux rêves et les questions
Quand il déchaîne les passions.
Saisis-tu bien où est ta chance
Quand c'est toi qui mènes la danse
Des hommes et de leurs souffrances ?
Amour tu rim' avec confiance
Mais la confiance existe-t-elle,
La confiance est-elle réelle
Si nous devons douter sans cesse
De l'aimé et de sa tendresse ?
Tu t'amplifies s'il y a absence,
Cela nous fait prendre conscience
Qu'en nous existe une carence
C'est une grande confidence
Ou plutôt non c'est la sentence
Le pesant verdict de la chance
Du sort ou de Dame Fortune
Qui peut lire grâce à la lune
Quelle maladie nous atteint.
C'est une carence de l'autre
La moitié qui colle à la nôtre
Et donc la recherche de soi.
S'il veut qu'on ne la trouve pas
Il veut qu'on ne se trouve pas.
Que peut-on faire contre ça,
Douleur aussi dur' que les lances
Qui, s'abattant sur les poitrines
Des Troyens et des Achéens
Finirent, volonté divine,
Par massacrer vraiment les uns,
Cela pour les beaux yeux d'Hélène ?
L'amour fait fair' de drôl's de choses,
Amour, tu en étais la cause.
Oui, vu tout ce que tu as fait
Déjà depuis l'Antiquité,
Tu as raison de te cacher
Car bien des hommes t'en voudraient
Quoique d'autres puissent trouver
Que tout cela n'est pas bien grave
Car tu peux donner à la vie
Un sens tout à fait défini :
La quête de ta vérité
Surtout de ta sincérité.
Mais cette quête est inutile
Car tu es tellement fragile...
Si jamais tu es démasqué,
C'est bien fini, tu disparais.
La solitude est ton domaine
L'incertitude ton avoir
Ta recherche est tout à fait vaine
Tu viendras selon ton vouloir
S'il te prenait l'envie jamais
De désirer te défouler.
Si l'on t'attend tu te détournes
Si l'on s'en fout tu nous surprends,
Et bien malgré nous tu séjournes
En nos esprits si impuissants.
Tu es la torture de l'homme
Tu es son bourreau attitré.
Tu as fait couler beaucoup d'encre
Depuis de bien longues années.
Je n'ai jamais pu t'éloigner
Je n'ai jamais pu t'oublier
Je l'ai pourtant tant espéré !
© 1993, Opaline. Tous droits réservés, reproduction interdite.